Skip to main content

2. Le Prince Souris

Lorsque Balthazar entra dans la chambre ce soir-là, Timothée était assis au milieu de son lit, les bras croisés et la tête baissée.


«Tu fais la tête ? demanda-t- il à l’enfant.
- NON !! cria Timothée.
- Mais tu es en colère.
- NON !! cria-t- il encore»

Balthazar s’approcha silencieusement et regarda le petit garçon. Il attendit que celui-ci veuille bien lui parler. Lorsqu’il leva la tête, Timothée était toujours en colère, mais Balthazar n’y pouvait rien. Alors le petit garçon lui expliqua la raison de son courroux.

« J’ai perdu une dent ! dit-il sèchement.
- Oh, s’exclama Balthazar. Et ce n’est pas bien ?
- Mais j’ai besoin de cette dent !! Si je perds toutes mes dents, je ne pourrais plus manger.
- D’autres repousseront, répondit Balthazar.
- Non, ce n’est pas vrai !
- Et pourquoi ce ne serait pas vrai ? demanda Balthazar, surpris.
- Maman et Papa m’ont expliqué qu’une autre dent aller repousser, et que je devais mettre celle-ci sous mon oreiller pour une souris. C’est n’importe quoi !!
- Ah oui, le Prince Souris.
- Le quoi ? demanda Timothée, interloqué.
- Le Prince Souris, reprit Balthazar. Il est obligé de récupérer les dents de tous les enfants, sinon, il ne peut pas manger.
- Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
- C’est l’histoire du Prince Souris. Veux-tu que je te la raconte ?»


Timothée hésita. Sa colère n’était pas passée. Il avait encore très envie de bouder, mais l’envie d’écouter l’histoire fût plus forte. Il hocha de la tête et s’installa plus confortablement dans son lit. Balthazar s’assit à côté de lui et commença.

x

« Il était une fois un prince qui était riche. Très riche. Mais également cupide. Il ne dépensait sa fortune qu'en de rares occasions et uniquement dans son intérêt. Hormis quelques membres de sa famille, il ne recevait personne dans son château. Il avait bien trop peur que quelqu’un lui prenne une de ses pièces d’or. Le prince vivait seul avec son argent et il en était très triste, bien qu'il ne l'admettait pas. Un jour, alors qu’il se promenait dans son jardin, il rencontra une vieille dame qui lui demanda un petit bout de pain, car elle avait très faim. Le prince, furieux qu'on puisse pénétrer ainsi dans l’enceinte du château, la chassa sans délicatesse. Puis il rentra chez lui, veillant jalousement sur son trésor. Il s’écoula deux journées avant que la vieille dame ne revienne frapper à sa porte.


« S’il vous plaît mon bon prince, dit-elle. Ayez pitié d’une dame âgée qui ne vous demande qu’un peu de chaleur. Cela ne fera pas de différence pour vous. L’hiver est long et froid et j’aurais grand besoin de me réchauffer.»


Mais encore une fois, le prince la renvoya durement et s’en retourna auprès de sa fortune.
Deux jours passèrent à nouveau. Le soir, après avoir dîné, le prince s’en alla se coucher. Quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’il découvrit dans son lit la vieille dame qu’il avait déjà chassée par deux fois. Hors de lui, il la leva sans ménagement. Elle s'en plaignit.


« Pitié mon prince. Je suis fatiguée, frigorifiée et affamée. Je ne demande qu’un peu de repos dans un endroit chaud et sec ainsi qu’un peu de pain. Vous qui possédez tant, cela ne représente rien.»


Mais le prince, trop inquiet pour ses pièces d’or et apeuré par l’apparence repoussante de la vieille femme, la conduisit jusqu’à la porte de son château. Là, il lui rit au nez :


« Tu veux un bout de pain ? Tu n’as même plus de dents pour en manger. Va-t'en vilaine femme, et ne revient jamais chez moi. Tu n’es pas la bienvenue ici.»


Alors il referma la porte brutalement, remonta les escaliers et se dirigea à nouveau vers sa chambre. Lorsqu’il découvrit à nouveau son lit occupé, il explosa de colère et retira brusquement le drap blanc. Apparut alors devant lui une magnifique fée éblouissante, dont le visage exprimait un grand mécontentement. Le prince, impressionné par l’apparition, se mit à genoux.


« Trois fois je suis venu à toi, et trois fois tu m’as repoussé, lui dit la fée d’une voix forte.»


Le prince comprit immédiatement qu’il s’agissait de la vieille dame et qu’il la voyait pour la première fois sous sa véritable apparence. Il regretta immédiatement son comportement.


« Mon lit est à vous Madame, et je m’en vais de ce pas vous préparer un bon repas.
- Il est trop tard. Pour ton comportement, je vais te jeter un sort.»


Elle sortit alors de sa poche une baguette magique. Le Prince recula mais refusa de fuir.


« A partir de ce jour, tu seras une souris. Et puisque tu as ri quand tu as vu que je n’avais pas de dent, tu n’en auras plus. Je te laisse ton château, ta fortune et ta nourriture. Mais chaque nuit tu auras faim. Ce que contient ton garde-manger, tu ne pourras pas y toucher sans tes dents. Tu devras parcourir le monde, à la recherche des dents de lait que cacheront les enfants sous leur oreiller. A chaque fois que tu prendras une, tu déposeras en échange une pièce de ton trésor. Et quand tu auras assez de dents pour manger, tu reviendras ici prendre ton repas. Prends garde toutefois ! Dès les premières lueurs de l’aube, les dents que tu auras collectées durant la nuit disparaîtront. Il en sera ainsi tant qu’il te restera au moins une pièce d’or. Lorsque tu auras partagé toute ta fortune, tu retrouveras ton apparence humaine.»


C'est depuis ce jour que le Prince Souris, puni par la fée pour son égoïsme et son avarice, parcourt la terre entière à la recherche des dents de lait des enfants afin de manger.»


Balthazar s’arrêta de parler. Timothée le regarda surpris, attendit un peu, puis dit :
« Et c’est tout ?
- Comment ça ?
- Ton histoire n’est pas finie. Le prince est-il redevenu humain ?
- Je ne sais pas. Il n'a pas encore donné toutes ses pièces.
- Pourquoi me racontes-tu une histoire qui n’est pas finie ?
- C’est toi qui voulais savoir pourquoi la petite souris échange des pièces contre des dents.
- Mais je veux connaître la fin !!
- Alors pour ça il faut dormir.
- Pourquoi ?
- Parce que cette nuit, le prince souris passera prendre ta dent et déposera une pièce. Mais à l’unique condition que tu dormes. Alors peut-être que cette fois-ci, ce sera la dernière pièce du prince.
- Et si ce n’est pas le cas ? demanda Timothée.
- Et bien, tu as d’autres dents, dit le Marchand de sable dans un sourire espiègle. Maintenant allonge-toi et ferme les yeux afin que j’y dépose quelques grains de sable.»


Le garçon s’exécuta. Quelques secondes plus tard, il dormait. Balthazar remonta le drap sur lui, le regarda un instant puis retourna vers la fenêtre. Au moment où il sortait, il salua la petite souris qui venait chercher la dent de Timothée.

Comments

Popular posts from this blog

4. L’Arbre Chocolat

Timothée était déjà dans son lit lorsque Balthazar entra dans la chambre.  Assis en tailleur, les jambes sous sa couette, il regardait le marchand de sable descendre de son nuage et passer par la fenêtre.  Lorsqu’il vît le petit garçon, Balthazar sembla surpris. «Tu es déjà couché ? demanda le marchand de sable. - Tu m’as promis une histoire, répondit le petit garçon. - C’est vrai. Mais je ne pensais pas te voir déjà dans ton lit.» Timothée observa autour de lui, comme s’il était lui-même étonné de se retrouver là, puis il reporta son regard sur le Marchand de Sable. «J’étais pressé d’entendre l’histoire du Lapin de Pâques, admit-il.» Balthazar sourit. Quelques jours auparavant, le petit garçon aurait refusé de se mettre au lit tout seul. «Alors si tu es prêt, je vais commencer.» Balthazar s’assit sur le bord du lit et commença son histoire. « Il était une fois un petit lapin blanc, qui était né dans un œuf... - Attends, l’interrompit Ti...

I. Un Premier Noël

Il était une fois, dans un pays lointain où la neige et l’hiver régnaient en permanence, un vieil homme à la longue barbe blanche.  Assis sur une chaise à bascule, devant sa maison, il regardait inlassablement tomber la neige. Dans ses mains, il tenait un morceau de bois qu’il sculptait minutieusement à l’aide d’un vieux couteau. Il avait pris pour modèle un renne qui venait tous les jours à l’orée de la forêt, manger l’écorce des arbres. Parfois, quand le vent soufflait fort et que la neige tourbillonnait, le renne se mettait à courir après les flocons. Il courait si vite que le vieil homme avait fini par le surnommer “Tornade”. Un jour, l’homme attendit en vain la venue de l’animal. Alors que la nuit tombait, il s’en inquiéta un peu. Lorsque le froid se fît trop mordant, il rentra dans la maison, attisa le feu et avala un grand bol de soupe. Il acheva la sculpture du renne, puis, après avoir lu quelques pages de son livre préféré, il alla se coucher en espérant voir To...